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Lifestyle

13.09.2018

Arabie saoudite : Cinema 500 km, un film d’avant les cinémas

Cinema 500km a été tourné en 2006 alors que le cinéma était encore interdit en Arabie saoudite. Le documentaire, primé à l’étranger, soulève le tabou de cette interdiction à travers une jeunesse saoudienne passionnée de 7ème art et prête à faire des centaines de kilomètres pour voir un grand écran.

L’histoire du cinéma saoudien n’a pas débutée en avril dernier, lorsque les cinémas ont pu ouvrir pour la première fois depuis les années 1970. En 2006, Abdullah Al Eyaf tourne son premier film documentaire dans le royaume, sa patrie. Une mise en abyme de la situation d’alors, où les cinémas sont interdits tandis que la télévision ne l’est pas. Une ode au Septième art, en somme, autant qu’une dénonciation de cette interdiction jugée absurde.

Le voyage d’un passionné du Septième Art

Alors que le cinéma est prohibé en Arabie saoudite depuis les années 1970, la population n’a accès à l’image et aux films qu’au travers de la télévision, réservée au cadre très privé de la famille. Une expérience plutôt limitée pour le spectateur. Dans ce contexte, la caméra suit le long et tortueux voyage de Tariq Al Husaini, un jeune homme de 21 ans, parti pour vivre sa passion du cinéma, ne serait-ce que pour un film. C’est au prix d’une demande de visa et d’un voyage de plus de 500 km à travers l’Arabie saoudite pour arriver au Bahreïn, qu’il va pouvoir se rendre pour la première fois au cinéma.

A travers l’exemple de Tariq, inspiré d’un ami réel, le réalisateur Abdullah Al Eyaf dépeint en réalité les tribulations de toute une jeunesse prête à payer le prix pour échapper à cette interdiction et pouvoir contempler un film sur grand écran.

Une transgression autorisée et récompensée

C’est là tout le paradoxe de ce film. En effet, Abdullah Al Eyaf a obtenu l’autorisation du ministère de la Culture saoudien pour tourner son film pourtant basé sur le thème de l’interdiction du cinéma dans le royaume. Sa sortie en 2006, à l’étranger bien sûr et à Abu Dhabi en particulier pour sa première, a déclenché une tempête médiatique qui lui a valu le mérite d’ouvrir le débat public sur un sujet encore tabou.  

Dès sa diffusion, le documentaire reçoit de très bonnes critiques et figure même dans les sélections de dizaines de festivals à travers le monde. Un succès dont les Saoudiens ont pu être spectateurs à distance, faute de pouvoir assister aux séances. Chose assez remarquable, le film a même obtenu la Palme d’or du meilleur documentaire lors de la première édition de la Saudi Film Competition en 2008, qui était alors le premier événement organisé par le Gouvernement pour récompenser la scène cinématographique.

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Désormais un témoignage du passé

Malgré la levée toute récente de l’interdiction, le film n’a encore jamais pu être diffusé dans le royaume. Très expérimental dans sa conception, il demeure une archive exemplaire pour témoigner de cette époque pas si lointaine de restrictions et de prohibitions.

Il atteste également du goût très anciens pour les Saoudiens de l’art et de l’esthétisme, ce qu’Abdullah revendique particulièrement dans Cinema 500km et dans tous ses films qui ont suivi, comme Aayesh sorti en 2010, pour lequel il a reçu le prix du Meilleur court métrage lors Gulf Film Festival et le prix du Silver Aph au Festival du Film de Beyrouth. C’est grâce à un style très expérimental et inspiré de la poésie pré-islamique qu’Abdullah El Ayef s’est fait une place dans la sphère cinématographique internationale. Lors des nombreux événements mondiaux où il se rend en tant que jury ou primé, comme le Festival de Cannes, il n’hésite pas à revendiquer sa nationalité et le potentiel créatif des jeunes de son pays : “En tant que réalisateur saoudien, j’ai la ferme conviction que mon peuple réussira à apporter ce qui fait son identité aux techniques existantes de narration, combinant la beauté des vieux contes arabes à la modernité de nos talents”.

Publié le 13 September 2018

#Bahreïn