Hijab à 9 ans : le défi des parents musulmans face aux désirs précoces

« Maman, je veux porter le hijab comme toi ! » La déclaration de Yasmine, 9 ans, a pris Samira au dépourvu. Cette mère de famille franco-marocaine de 35 ans ne s’attendait pas à cette requête si tôt. « J’ai commencé à porter le voile à 16 ans, par choix personnel. Voir ma fille si jeune exprimer ce désir m’a plongée dans un tourbillon d’émotions contradictoires », confie-t-elle. Ce dilemme, de nombreux parents musulmans y sont confrontés : comment répondre à la volonté d’une enfant d’adopter une pratique religieuse traditionnellement associée à la puberté ? 🤔

Entre tradition religieuse et réalités contemporaines 📖

D’un point de vue religieux, le port du voile devient obligatoire à partir de la puberté. « La majorité religieuse (bulûgh) est marquée par les signes physiques de la puberté comme les menstruations ou, à défaut, l’âge de 15 ans », explique Nadia Ait-Zaï, juriste spécialisée en droit musulman. Avant cette étape, le voile n’est pas considéré comme une obligation, mais plutôt comme une préparation progressive aux futures pratiques religieuses.

Cette préparation s’inscrit dans une logique d’éducation religieuse qui commence tôt. « Les parents sont encouragés à familiariser leurs enfants avec la prière dès 7 ans, puis à l’exiger vers 10 ans », précise Ibrahim Zaidan, imam et éducateur. Cette approche graduelle s’applique également aux autres pratiques, dont la pudeur vestimentaire.

Cependant, les interprétations et pratiques varient considérablement selon les contextes. Au Canada, une école islamique de l’Ontario a fait débat en imposant le hijab dès 9 ans, tandis que d’autres communautés, notamment en Europe, privilégient l’attente jusqu’à 15 ans, s’alignant sur les normes sociales locales.

Témoignages : entre désir d’imitation et choix éclairé 📝

Karima, enseignante dans une école coranique à Lyon, observe régulièrement ce phénomène : « Les petites filles veulent souvent ressembler à leur mère ou à leurs grandes sœurs. C’est un désir d’imitation normal, mais qui pose la question de la compréhension réelle de ce geste. » Plusieurs motivations peuvent être à l’origine de cette demande : l’admiration pour des modèles familiaux, le désir d’appartenance à la communauté, ou parfois la pression sociale indirecte.

Hassan et Leïla, parents de Sofia (9 ans), ont choisi une approche intermédiaire : « Notre fille voulait porter le voile après avoir vu ses cousines le faire lors d’une fête religieuse. Nous lui avons proposé de porter un foulard léger pour les moments de prière et les occasions religieuses, mais pas au quotidien ou à l’école. Cela lui permet de s’approprier progressivement cette pratique sans l’imposer trop tôt. »

« Il est essentiel de distinguer entre l’éducation religieuse et l’imposition de pratiques. L’enfant doit comprendre la signification spirituelle du hijab avant de l’adopter. Ce n’est pas un simple vêtement, mais l’expression d’une identité religieuse qui demande maturité et compréhension. » – Dr. Malika Hamidi, sociologue spécialiste du féminisme musulman

Le défi de l’équilibre pour les parents 🧾

Face à la demande d’une fillette de porter le voile, les parents se retrouvent souvent tiraillés entre plusieurs considérations :

  • Respecter l’intérêt spontané de l’enfant pour sa religion ✨
  • S’assurer que ce choix émane d’une compréhension adaptée à son âge 🧠
  • Considérer l’impact social, notamment dans les contextes occidentaux où le voile peut susciter des réactions 🌍
  • Éviter une sexualisation précoce tout en valorisant l’apprentissage de la pudeur 🛡️

« J’ai expliqué à ma fille que le hijab est lié à un âge et une maturité spécifiques », raconte Amina, mère de trois enfants à Marseille. « En attendant, nous parlons beaucoup des valeurs de modestie et de respect du corps qui sous-tendent cette pratique. Elle comprend que la spiritualité s’exprime de multiples façons adaptées à chaque étape de la vie. »

Pour de nombreuses familles, la solution passe par des compromis comme le port d’un voile lors des prières à la mosquée ou pendant le Ramadan, créant ainsi une transition progressive vers une pratique plus régulière à l’adolescence. Cette approche est particulièrement répandue chez les musulmans de la génération Z qui réinventent leur rapport à la foi, influençant désormais l’éducation de la génération suivante.

Ressources et initiatives pour guider les parents 🌱

Face à ces questions délicates, plusieurs initiatives émergent pour accompagner les familles :

  • Les ateliers « Foi et Croissance » organisés dans plusieurs mosquées françaises, qui abordent l’éducation religieuse adaptée à chaque âge
  • Les groupes de parole entre mères musulmanes, comme « Nos filles, notre avenir » à Bruxelles
  • Des livres jeunesse expliquant les pratiques religieuses de manière accessible
  • Des consultations avec des imams et psychologues formés aux enjeux interculturels

Ces ressources soulignent l’importance du dialogue familial et d’une approche progressive. Comme le rappelle la psychologue Samia Bendali : « L’essentiel est que l’enfant comprenne que la religiosité se construit par étapes, et que chaque pratique prend son sens en fonction de l’âge et de la maturité. »

Entre pressions sociales et choix éclairé 🤔

Le désir d’une jeune fille de porter le voile s’inscrit parfois dans un contexte plus large de réappropriation du hijab par les jeunes générations. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses « hijabistas » valorisent cette pratique, la rendant attrayante même pour les plus jeunes. Ces modèles contemporains, qui associent mode et religion, influencent la perception du voile chez les fillettes.

« Ma fille a découvert des influenceuses voilées sur TikTok et les trouve magnifiques », témoigne Soraya, mère d’une préadolescente. « J’ai dû lui expliquer la différence entre l’esthétique du voile et sa dimension spirituelle. C’est aussi l’occasion de discuter de l’évolution des pratiques à l’ère numérique. »

Abdallah Penot, éducateur et conférencier, suggère une approche équilibrée : « Écouter l’enfant est primordial. Si sa motivation semble authentique, proposez des compromis : porter le voile dans certains contextes (mosquée, prières) mais pas dans d’autres (école, activités sportives). Cela respecte son désir d’expression religieuse tout en préservant son développement social normal. »

Le dilemme du hijab précoce rappelle que l’éducation religieuse est un chemin nuancé où l’écoute, la patience et l’adaptation sont essentielles. Comme le dit un proverbe arabe souvent cité dans ce contexte : « La sagesse ne consiste pas à planter un arbre, mais à savoir quand et comment l’arroser pour qu’il grandisse fort. » 🌳

Karim Al-Mansour

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