Égypte : 368 jours au pouvoir, le règne éclair de Morsi qui a bouleversé le monde arabe

Muhammad Morsi, figure emblématique de l’histoire égyptienne contemporaine, a marqué de son empreinte la transition politique tumultueuse du pays après la chute du régime de Hosni Moubarak en 2011. Premier président démocratiquement élu d’Égypte, son parcours illustre les défis et les complexités de la politique arabe moderne. De son ascension fulgurante à sa chute brutale, l’histoire de Morsi offre un prisme fascinant pour comprendre les dynamiques du monde arabe post-Printemps arabe.

De l’ingénierie à la présidence : l’ascension de Muhammad Morsi

Né en 1951 dans le delta du Nil, Muhammad Morsi a suivi un parcours atypique avant d’accéder à la plus haute fonction de l’État égyptien. Diplômé en ingénierie de l’Université du Caire, il poursuit ses études aux États-Unis où il obtient un doctorat en sciences des matériaux de l’Université de Californie du Sud en 1982. Son expertise technique le conduit même à travailler brièvement pour la NASA sur des moteurs de fusée. De retour en Égypte en 1985, il enseigne à l’université de Zagazig tout en s’engageant progressivement en politique au sein des Frères musulmans.

La révolution égyptienne de 2011 propulse Morsi sur le devant de la scène politique. Après la chute de Moubarak, les Frères musulmans, longtemps interdits, émergent comme la force politique la mieux organisée du pays. Morsi devient le candidat du Parti de la liberté et de la justice, vitrine politique des Frères musulmans, et remporte l’élection présidentielle de 2012 face à Ahmed Chafik, dernier Premier ministre de Moubarak. Son investiture le 30 juin 2012 marque un tournant historique pour l’Égypte, avec l’arrivée au pouvoir d’un dirigeant issu de la société civile après des décennies de régime militaire.

Une présidence éphémère et contestée

La présidence de Morsi, qui ne dura qu’une année, fut marquée par de profondes divisions et une polarisation croissante de la société égyptienne. Ses tentatives de consolider le pouvoir des Frères musulmans, notamment à travers une déclaration constitutionnelle en novembre 2012 lui octroyant des pouvoirs étendus, déclenchent de vives protestations. Les opposants accusent Morsi de dérive autoritaire et de vouloir imposer un agenda islamiste au détriment des valeurs démocratiques et des droits des minorités.

La détérioration de la situation économique et sécuritaire du pays alimente le mécontentement populaire. Le 30 juin 2013, jour du premier anniversaire de son investiture, des manifestations massives exigent le départ de Morsi. Refusant de démissionner, il est destitué par l’armée le 3 juillet 2013, sous la direction du général Abdel Fattah al-Sissi. Cette intervention militaire, qualifiée de coup d’État par les partisans de Morsi, marque la fin brutale de la première expérience démocratique de l’Égypte moderne.

L’héritage complexe de Morsi et son impact sur le monde arabe

Le renversement de Morsi a eu des répercussions profondes non seulement en Égypte mais dans l’ensemble du monde arabe. Il a marqué un coup d’arrêt aux espoirs nés du Printemps arabe et a renforcé la méfiance envers les mouvements islamistes dans la région. La répression qui a suivi contre les Frères musulmans a conduit à leur classification comme organisation terroriste en Égypte et dans plusieurs pays du Golfe.

L’expérience de Morsi soulève des questions cruciales sur la compatibilité entre islam politique et démocratie, ainsi que sur le rôle de l’armée dans les transitions politiques arabes. Elle illustre également les défis inhérents à la transformation d’un mouvement d’opposition en force de gouvernement capable de gérer les complexités d’un État moderne.

« Le cas de Morsi démontre la fragilité des transitions démocratiques et l’importance d’un consensus national large pour assurer leur succès », analyse le Dr. Sarah El-Kazaz, professeure de sciences politiques à l’Université américaine du Caire.

L’héritage de Muhammad Morsi reste controversé. Pour ses partisans, il incarne les espoirs déçus d’une véritable démocratie égyptienne. Pour ses détracteurs, sa présidence représente les risques d’une dérive autoritaire sous couvert de légitimité électorale. Son parcours tragique, de la présidence à la prison où il est décédé en 2019, continue d’alimenter les débats sur l’avenir politique du monde arabe.

Pour approfondir votre compréhension des dynamiques politiques et culturelles de la région, découvrez les splendeurs de l’art islamique à travers 14 siècles d’histoire, une exploration fascinante du patrimoine artistique qui transcende les frontières et les époques. Par ailleurs, pour mieux saisir l’impact des réformes politiques sur le développement économique dans le monde arabe, l’exemple de la Mauritanie et de la ville sainte de Chinguetti offre un éclairage intéressant sur les défis et les opportunités qui se présentent aux nations en transition.

Frank le journaliste