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Société

31.07.2020

La magie dans l’Islam

A première vue, la magie et la troisième religion monothéiste ne font pas bon ménage. Pourtant l’histoire du territoire sur lequel elle est née regorge de références aux pratiques occultes, brouillant les frontières entre Islam et magie.

De l’ Arabie préislamique, à l’âge d’or Islamique, en passant par la période ottomane, la pensée arabo-musulmane a été largement influencé par les cultes relatifs à la magie et les sciences ésotériques. Des croyances diffusées autant dans les milieux populaires que parmi l’élite scientifique et les princes des cours Omeyyades et Abbassides.
La limite entre le religieux et le surnaturel semblait alors très floue. L’astrologie était d’ailleurs intégrée à la pensée musulmane dans une science plus large au même titre que la médecine, la philosophie ou la théologie avec des penseurs tels que les fondateurs du chiisme ismaélien ou Ibn Arabi (grand penseur du soufisme) qui reconnaissait d’ailleurs l’existence d’un monde subtil et supérieur au monde terrestre et que l’on pouvait atteindre par l’intermédiaire des saints.

 

Pour en savoir un peu plus, nous avons rencontré Mr Messaoud Boudjenoun, auteur de L’Islam et les mystères du monde surnaturel.

 

Mr Messaoud Boudjenoun, auteur du livre, “L’Islam et les mystères du monde surnaturel”.

Quelles sont les origines de la magie et de la sorcellerie en Islam?

Selon le Coran qui est le Livre sacré par excellence de l’Islam, la magie et la sorcellerie ont été enseignées aux habitants de l’ancienne Babylone par les deux anges déchus Harout et Marout. Dans un des versets du livre, il est expliqué que la magie et la sorcellerie sont une contre initiation d’origine diabolique par opposition à l’initiation religieuse qui, elle, est d’origine divine. Si la religion a pour vocation de faire connaître aux hommes l’existence de Dieu et la distinction entre le bien et le mal, la magie ne connaît aucune distinction entre le bien et le mal, sa vocation étant de satisfaire les désirs et les ambitions des hommes avec des moyens surnaturels et généralement illégaux en ayant recours à des forces occultes. C’est pour cela que le Coran fustige la magie et la sorcellerie et les considère comme un moyen utilisé par les adversaires des religions pour les combattre.

 

Quelle est la signification des djinns et les démons?

Dans la tradition musulmane, les démons et les djinns sont des créatures créées avant les hommes à partir du feu et vivant dans un monde parallèle au nôtre. Elles vivent plus que les humains et jouissent de pouvoirs plus grands que les leurs, ce qui leur permet de les voir sans être vues et même de recouvrir les formes qu’elles désirent. Il y a parmi elles des croyants et des incroyants, des musulmans, des juifs, des chrétiens, en somme toutes les religions et doctrines. Une sourate entière du Coran est consacrée aux djinns. La tradition musulmane dit aussi que les magiciens et les devins utilisent les démons et les djinns rebelles dans leurs œuvres maléfiques et dans la connaissance de certains événements liés à l’avenir qu’ils prédisent parfois aux hommes.

Quand la frontière entre magie et religion s’est-elle érigée?

Selon la tradition musulmane, la frontière entre la magie et la religion a toujours existé puisque la religion est d’ordre transcendantal et la magie est d’ordre inférieur. Comme le disait à juste titre l’écrivain René Guénon (NDLR: écrivain français du XIXème siècle qui a effectué des recherches sur le symbolisme et la métaphysique): «… C’est ainsi que la magie est considérée dans toutes les civilisations orientales : qu’elle y existe, c’est un fait qu’il n’y a pas lieu de contester, mais elle est fort loin d’y être tenue en honneur comme se l’imaginent trop souvent les Occidentaux qui prêtent si volontiers aux autres leurs propres tendances et leurs propres conceptions… ». Les deux cheminements sont aux antipodes l’un de l’autre aussi bien dans leurs principes que dans leurs finalités.

 

Alors qu’en est-il des sectes issues de l’Islam et pratiquant des rites ésotériques comme dans le soufisme ou chez les druzes?

Si on entend par ésotérisme ce qui est caché et intérieur, ce qu’on appelle el bâtin en Islam, alors la religion reconnaît effectivement l’existence d’une science infuse. Il s’agit d’une connaissance intérieure racontée dans une sourate du Coran à travers la rencontre de El-Khidr et Moïse. De son côté, le Prophète de l’Islam a parlé de cette science ésotérique dans plusieurs hadiths Il a dit: « Celui qui œuvre en conformité avec ce qu’il a appris comme science, Dieu le fera hériter d’une science qu’il ne possédait pas ». C’est cette connaissance ésotérique qui vient directement de Dieu, sans apprentissage, que les soufis disent posséder et se transmettre de génération en génération. Le soufisme a pour but la connaissance de Dieu et le cheminement vers Lui jusqu’à l’extinction, tandis que la magie a un autre but plus inférieur. Quant aux druzes, ils ne se trouvent plus dans une perspective islamique orthodoxe depuis longtemps, ils constituent une religion à part avec ses dogmes et ses rites.

 

Que reste t-il de cette pensée magique en Islam aujourd’hui? On a l’impression qu’elle a été totalement réprimée…

La pensée magique en Islam existe encore plus ou moins dans certains milieux comme dans les campagnes, bien qu’elle n’ait plus les mêmes attraits et influences que par le passé suite à l’avancée de la modernité. Mais elle résiste encore de façon secrète puisqu’il est arrivé à plusieurs reprises ces derniers temps de trouver des talismans et des charmes accompagnés de photos d’hommes et de femmes portant des inscriptions et des signes magiques enfouis dans des tombes abandonnées lors de nettoyage de cimetières.

 

Quel est le rapport entre mystique et magie en Islam?

L’Islam reconnaît certains pouvoirs propres à la magie, tout comme il reconnaît l’existence de pouvoirs thaumaturgiques appelés « karamât » que sont les dons et miracles chez les saints ainsi que les signes (ayât) pour les Prophètes. L’Islam fait une distinction entre les pouvoirs d’un magicien qui sont d’ordre maléfique et servent à faire le mal et les prodiges d’un saint qui sont d’ordre divin et servent à faire le bien. Cette dichotomie entre le pouvoir de la magie et celui de la mystique est racontée dans un hadith du Prophète (qsssl) se trouvant dans le sahih, recueil authentique de Muslim.

A première vue, la magie et la troisième religion monothéiste ne font pas bon ménage. Pourtant l’histoire du territoire sur lequel elle est née regorge de références aux pratiques occultes, brouillant les frontières entre Islam et magie.

 

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