Musulmans sans enfants : 67% des jeunes rejettent l’injonction à la parentalité

« Ce n’est pas que je n’aime pas les enfants. C’est juste que je n’ai jamais ressenti ce désir d’en avoir, malgré l’insistance de ma famille. À chaque Aïd, c’est la même rengaine : quand vas-tu nous donner des petits-enfants ? » confie Samira, ingénieure de 36 ans. Dans une communauté où la maternité est souvent perçue comme l’accomplissement ultime d’une femme, Samira fait partie de ces musulmans qui ont choisi de ne pas avoir d’enfants – un choix encore largement incompris et parfois même jugé comme contraire aux valeurs islamiques. Pourtant, ces parcours atypiques reflètent une évolution profonde des mentalités au sein même des communautés musulmanes contemporaines. 🌙

Une décision face aux pressions culturelles et religieuses 📚

Dans de nombreuses cultures musulmanes, le mariage et la procréation sont considérés comme des étapes naturelles et attendues de la vie adulte. « La famille nombreuse est perçue comme une bénédiction dans notre tradition », explique l’imam Karim Benzahra. « Certains hadiths encouragent effectivement la procréation, mais aucun texte ne l’impose comme une obligation absolue. »

Cette nuance théologique est pourtant rarement comprise dans la pratique quotidienne. Selon une étude récente, 67% des jeunes musulmans rejettent désormais les normes genrées familiales qui dictent les rôles traditionnels, y compris l’injonction à la parentalité. Cette évolution témoigne d’une distanciation croissante avec certaines pressions sociales, sans pour autant remettre en question l’attachement à la foi.

Nadia, professeure de français d’origine marocaine, témoigne : « Quand j’ai annoncé à ma famille que mon mari et moi ne voulions pas d’enfants, j’ai eu droit à tout : des larmes de ma mère aux sermons de mon oncle citant le Coran. Ce qui était difficile, c’était de leur faire comprendre que ce n’était pas un rejet de ma culture ou de ma religion. »

Des motivations diverses et réfléchies ✨

Les raisons qui poussent certains musulmans à ne pas avoir d’enfants sont aussi variées que légitimes. Contrairement aux idées reçues, il ne s’agit pas simplement d’égoïsme ou d’individualisme, mais souvent d’une décision mûrement réfléchie.

Karim, consultant de 42 ans, explique : « Ma femme et moi avons longuement discuté avant de prendre cette décision. Nous préférons nous consacrer à d’autres formes de contribution sociale, notamment notre association d’aide aux orphelins. Pour nous, c’est une façon différente de transmettre et de prendre soin des générations futures. »

D’autres évoquent des préoccupations environnementales, des inquiétudes sur l’avenir de la planète, des raisons économiques ou simplement l’absence d’instinct parental – une réalité rarement reconnue dans des sociétés où la parentalité est idéalisée.

« La question n’est pas de savoir si l’islam autorise ou non le choix de ne pas avoir d’enfants, mais plutôt comment nous pouvons créer des communautés inclusives qui respectent la diversité des parcours de vie tout en préservant nos valeurs fondamentales », affirme Dr. Malika Hamidi, sociologue spécialiste du féminisme islamique.

Entre jugements et quête de légitimité spirituelle 🕌

Pour beaucoup, le plus difficile n’est pas tant le choix lui-même que le poids du regard des autres. Les couples sans enfants font souvent face à des questions intrusives, des remarques déplacées et parfois même à une forme d’exclusion sociale.

« J’ai l’impression d’être moins valorisée dans ma communauté parce que je n’ai pas d’enfants », témoigne Fatima, 45 ans. « Lors des fêtes religieuses, les conversations tournent autour des enfants et je me sens mise à l’écart. » Cette pression sociale s’accompagne parfois d’un sentiment de culpabilité spirituelle, comme si le choix de ne pas procréer était un manquement religieux.

Cette tension entre choix personnel et attentes communautaires reflète un phénomène plus large où le poids du jugement divin oscille entre angoisse et quête d’équilibre spirituel pour de nombreux musulmans contemporains.

La jeune génération : vers une redéfinition des priorités 🌱

Les jeunes musulmans d’aujourd’hui semblent plus ouverts à diverses façons de concevoir l’épanouissement personnel et la contribution sociale, au-delà du modèle familial traditionnel. Une tendance que l’on observe particulièrement chez la génération Z musulmane qui cherche à concilier piété et modernité au quotidien.

« Pour moi, être une bonne musulmane ne se résume pas à être mère », affirme Yasmine, 28 ans. « Je peux servir ma communauté et vivre ma foi de nombreuses façons. J’ai choisi de me consacrer à mon travail humanitaire et je ne pense pas que cela me rende moins pieuse. »

Des initiatives comme le collectif « Différents chemins, même foi » émergent pour créer des espaces de dialogue et de soutien pour les musulmans aux parcours non conventionnels, y compris ceux qui ont choisi de ne pas avoir d’enfants.

Vers une acceptation plus large de la diversité des choix 💫

Le défi pour les communautés musulmanes contemporaines reste de préserver les valeurs familiales traditionnelles tout en accueillant la diversité des choix personnels. Certains leaders religieux commencent à aborder cette question avec plus de nuance.

« L’islam nous enseigne avant tout la compassion et le respect des intentions », rappelle Amina Wadud, théologienne musulmane. « Nous devons être prudents avant de juger les choix des autres, surtout quand ces choix relèvent de décisions personnelles réfléchies. »

Des forums de discussion en ligne, des cercles d’étude et des conférences commencent à aborder ces sujets autrefois tabous, ouvrant la voie à une compréhension plus nuancée de ce que signifie vivre sa foi aujourd’hui.

Le choix de ne pas avoir d’enfants reste difficile à assumer dans des contextes où la famille nombreuse est valorisée. Pourtant, ces parcours atypiques enrichissent nos communautés et nous rappellent que la contribution à la société peut prendre de multiples formes. Comme le dit un proverbe arabe adapté par Leila, une participante à un cercle de parole sur ce sujet : « Les arbres d’un même jardin ne portent pas tous les mêmes fruits, mais chacun participe à la beauté de l’ensemble. » 🌷

Karim Al-Mansour

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