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Histoire & Patrimoine

16.08.2019

Une exposition en hommage à Baalbek au musée Sursock de Beyrouth

Depuis le 28 juin et jusqu’au 22 septembre prochain, se tient une exposition événement au musée Sursock de Beyrouth: Baalbek, archives d’une éternité. Un hommage unique à une ville millénaire qui a su traverser les temps, mais aussi aux hommes qui l’ont habitée.

Inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, Baalbek est une ville dont l’histoire est intrinsèquement liée à celle des civilisations humaines. Apparue il y a 10,000 ans sur un sommet à plus de mille mètres d’altitude au nord-est de la vallée de la Bekaa, son existence préexiste à l’érection des temples romains qui en ont fait la notoriété. Fruit d’un long travail de recherche et de rencontres mené par Vali Mahjouli, commissaire de l’exposition et consultant indépendant au British Museum, l’exposition Baalbek, archives d’une éternité compte bien rendre la dimension historique et humaine de cette ville emblématique libanaise.  

Un petit peu d’histoire…

“ Quand on parle de Baalbek, tout le monde pense à sa civilisation et à ses monuments qui ont forgé l’identité nationale Libanaise. Mais ce que fait l’exposition, c’est d’aller au delà de cette épopée antique du site, en racontant également une autre histoire: celle d’une ville qui a survécu à 10000 ans d’histoire et dont le peuplement a depuis été ininterrompu. ” Vali Mahjouli.

Le visiteur voyage ainsi à travers les différentes périodes qui ont marqué l’histoire humaine et urbaine de la ville;  de ses premiers peuplements il y a des millénaires, jusqu’à la période ottomane. Les peuples primitifs qui observaient des rituels sacrés en raison de la proximité des rivières Litani et Al Assi, la dynastie hellénistique des Séleucides au premier siècle avant JC, la conquête romaine et la construction des temples de Bacchus et de Jupiter à la fin du deuxième siècle, leur destruction par les chrétiens au 4ème siècle, puis enfin la reprise de la ville par les arabes qui transforment les structures romaines en citadelle fortifiée au 7ème siècle. Toute l’histoire de cette ville et de son patrimoine architectural unique est passée au crible au sein de cette exposition, à travers une série d’objets parmi lesquels des fragments de céramiques provenant du néolithique ou des sculptures romaines. Pourtant, le curateur de l’exposition avoue accorder autant d’importance à la forme et aux objets, qu’au fond et à l’information. “La création d’une connaissance est vraiment au coeur de cette exposition. Je ne crois pas à la suprématie de l’objet. Il y a un équilibre à trouver entre les objets qui racontent une histoire, mais aussi les connaissances qui les provoquent sous une autre forme. L’exposition cherche aussi à introduire le public au temps et à l’espace.”

 

Orientalisme et instrumentalisation politique de Baalbeck

L’accent est aussi mis sur la construction du mythe de Baalbeck, comme élément fondateur de la nation libanaise. Mais également sur sa fonction de lien entre l’Orient et l’Occident.  Après la chute de l’empire Ottoman, à la fin du XIX ème siècle, les européens essaient d’étendre leur influence au delà des limites de Rome et de la Grèce en revendiquant leurs propres racines aux origines de la civilisation, en Mésopotamie. Baalbeck et son site romain constituent alors l’outil numéro 1 de cette “mission civilisatrice” de l’Europe au Proche Orient. Idéalisés à l’extrême par les artistes et intellectuels occidentaux, ils deviennent l’objet de leur vision romantique de l’Orient, vision que l’on peut retrouver dans les peintures exposées. En 1920, le mandat français déclare officiellement que la Bekaa fait partie du territoire libanais, ce qui renforce encore plus l’instrumentalisation politique de la ville dans la construction du récit national libanais, en créant du lien entre un passé idéalisé et une société contemporaine. Les colonnes du site apparaissent alors sur des timbres et des billets de banque. Un mythe que l’essor de la photographie et de l’archéologie va continuer à nourrir, et que le visiteur découvre à travers une sélection d’affiches de tourisme et de posters de cinéma où le temple de Jupiter apparaît. Mais cette mythologie culmine en 1956 quand la ville devient le lieu du festival le plus emblématique du Liban: le festival international de Baalbeck. Premier événement de cette envergure au Proche-Orient, il est aujourd’hui devenu une institution culturelle régionale renforçant les ponts entre Orient et Occident, ayant déjà accueilli des artistes internationaux comme Fairouz, Sting , Ella Fitzgerald ou encore Nina Simone.

Crédits : The National

Au delà du mythe, humaniser Baalbek

“Quand vous descendez les escaliers pour vous rendre dans l’espace de l’exposition, il y a une photographie de la plaine de la Bekaa. C’est une sorte de métaphore qui donne l’impression de descendre du Mont Liban pour aller dans la vallée de la Bekaa. Il était important pour moi d’inviter le public à contempler cette plaine qui est un site important de la civilisation humaine et qui a accueilli les premières installations humaines.” Vali Mahjouli.

Au delà de l’épopée ancestrale de cette ville mythique, l’exposition tend surtout ramener l’humain sur le devant de la scène, en redonnant la parole à ses habitants et aux différentes populations qui l’ont traversée. “Le début de l’expo cherche à montrer cette très longue histoire de la ville, des êtres qui s’y sont installés et de leur relation à la terre. A la fin, on trouve des témoignages et interviews d’habitants actuels et de personnes liées au destin de la ville de Baalbek. Le but est de montrer le fossé entre les monuments et le reste de la ville dont ils sont déconnectés”. Explique Vali Mahjouli. Parmi les témoignages, celui du célèbre architecte libanais Youssef Haidar, originaire de la ville et architecte de Beit Beirut, un vieil immeuble situé sur l’ancienne ligne de démarcation durant la guerre civile, aujourd’hui réhabilité en musée.

Si cette exposition redonne un sens de fierté aux habitants de Baalbek, elle souligne aussi les défis des autorités pour ramener les touristes dans cette ville qu’ils désertent et reconnecter ses habitants à son histoire. “Les habitants de Baalbek ont été présents longtemps avant le site, et le resteront longtemps après. Il était nécessaire de leur rendre hommage.”

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