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Histoire & Patrimoine

31.05.2023

Ce Tunisien qui ressuscite un ancien savoir-faire phénicien

Dans son jardin, Mohamed Ghassen Nouira, un Tunisien féru d’histoire, fait revivre un art qui faisait autrefois la richesse du monde classique, à savoir la fabrication de la teinture pourpre à partir de coquilles d’escargots de mer.

Il y a des années, alors qu’il se promenait sur la plage de Carthage, dans la banlieue nord de Tunis, Nouira est tombé sur une coquille de murex. Cette découverte lui a rappelé ses cours d’histoire et lui a donné envie de recréer cette teinture. C’est ainsi que l’aventure a commencé.

La signification historique de la pourpre tyrienne

La teinture, connue sous le nom de pourpre tyrienne, revêtait autrefois une grande valeur dans l’Antiquité et était réservée à l’élite. Les Phéniciens, originaires de l’actuel Liban, ont établi un commerce florissant de la pourpre tyrienne, qui a joué un rôle important dans la construction de leur empire mercantile. Forts de cette thalassocratie, ils ont fondé des colonies dans toute la Méditerranée, dont Carthage, qui s’est transformée en un empire indépendant à part entière et a dominé la Méditerranée occidentale pendant des siècles.

 

 

Aujourd’hui, Carthage est une banlieue de Tunis, où les ruines de l’ancienne civilisation punique sont encore visibles le long des collines de la ville, et où l’ancien port punique conserve sa forme millénaire. Ses plages sont ornées de coquillages Murex, vestiges d’une époque où Carthage et ses routes commerciales façonnaient le monde méditerranéen. Au fil des siècles, le secret de l’extraction de la pourpre tyrienne à partir des coquilles de murex a sombré dans l’oubli, jusqu’à ce que Nouira entreprenne une mission pour ressusciter cet ancien artisanat.

Un chemin semé de doutes

Nouira a consacré 14 ans à l’élucidation du processus de production de la pourpre tyrienne. D’abord confronté au scepticisme et à la critique pour son loisir insolite, Nouira n’en est pas moins resté déterminé. Au fur et à mesure que des résultats tangibles apparaissaient, ses détracteurs se sont peu à peu mués en admirateurs, lui prodiguant des encouragements qui ont nourri sa motivation. “Les critiques se sont transformées en encouragements, ce qui m’a poussé à continuer”, a-t-il déclaré.

 

Mohamed Ghassen Nouira en train d’extraire les glandes d’un escargot murex pour produire la pourpre tyrienne. Tunis, Tunisie. Source : REUTERS/Amira Karaoud

 

Il se procure des filets de murex auprès d’un pêcheur local, extrait les glandes, broie les coquilles et les soumet à la fermentation et à la cuisson. Après des étapes scrupuleuses, il parvient à produire de petites quantités de poudre violette. L’ampleur du processus est titanesque, puisqu’il faut 54 kilogrammes de coquilles de murex pour obtenir un seul gramme de pourpre tyrienne. La quantité requise rend donc la viabilité économique de la production de teinture difficile. Cependant, la poudre de pourpre qu’il produit méticuleusement atteint aujourd’hui un prix élevé d’environ 2 500 dollars le gramme sur les marchés. Son attrait réside non seulement dans sa rareté, mais aussi dans son authenticité, qui relie le présent à une époque révolue d’opulence et de grandeur.

 

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Publié le 31 May 2023

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