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Société

31.08.2020

Après l’explosion, le patrimoine libanais en danger

Au lendemain de l’explosion du port de Beyrouth qui a laissé plus de 300000 personnes sans logements le 4 août dernier, l’heure est à la protection du patrimoine libanais endommagé. Une mission que des volontaires libanais prennent à bras le corps pour conserver leur histoire.

L’histoire moderne du Liban a beaucoup pesé sur son patrimoine architectural. Les différents conflits armés de ces 50 dernières années, de la guerre civile de 1975 à 1991 à celle de juillet en 2006, n’ont épargné ni les habitants ni les bâtiments. Pour certains, des édifices historiques datant de l’époque ottomane et du Mandat français.

 

Pourtant, au delà des ravages de la guerre, une toute autre menace plane sur la conservation de l’héritage architectural libanais depuis une vingtaine d’années déjà. Celle d’une spéculation immobilière installée au lendemain de la guerre civile, prête à supprimer son passé au nom de projets plus lucratifs, à l’instar de Solidere, la société de reconstruction détenue et fondée par l’ancien premier ministre Rafic Hariri qui a peu réduit à néant l’esprit de l’ancien hôtel Saint-George édifié dans les années 30.

 

 

C’est ce qui a poussé deux associations à voir le jour en 2010, Beirut Save Heritage et Association for the protection of Lebanese Heritage. Leur mission est de sensibiliser la population à la conservation patrimoine de Beyrouth, mais aussi d’assurer une présence sur le terrain afin d’éviter les destructions sauvages, “Nous avons un réseau assez important de personnes sur place qui surveillent les bâtiments et nous préviennent s’ils voient un risque de destruction de bâtiment historique, de notre côté on essaye d’évaluer si c’est légal ou pas. Si ce ne l’est pas on contacte alors la Direction Générale des Antiquités et si c’est légal, on essaie de faire du lobbying au cas par cas pour convaincre la DGA de ne pas détruire ce bâtiment.” explique Antoine Atallah, architecte urbaniste et vice-président de Beirut Save Heritage.

 

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Car la déflagration du mardi 4 août pourrait bien asséner le coup de massue final à l’architecture de Beyrouth si rien n’est fait. Certains promoteurs immobiliers espérant profiter de la démolition par l’explosion des vestiges de vieux bâtiments pour tout raser et construire de nouveaux complexes plus modernes à la place, raconte Antoine “Le risque se situe à deux niveaux. La première touche à l’architecture où l’on pourrait se retrouver face à des bâtiments mal rénovés par leurs propriétaires ou tout simplement démolis car ces derniers saisissent l’opportunité pour s’en débarrasser définitivement La seconde concerne le danger de désagrégation et dénaturation du tissu urbain. Les quartiers proches du port comprennent une grande diversité de population, entre des habitant installés depuis des générations, et des populations plus jeunes et créatives qui sont arrivées ces dernières années. Notre but est donc que le peuple viennent se le réapproprier le plus rapidement possible, plutôt que s’installer durablement ailleurs, sinon le quartier perdrait une grande force.”

 

 

Si préserver le caractère à la fois dynamique et traditionnel du quartier d’Achrafieh est au coeur des préoccupations de ces militants libanais du patrimoine, c’est aussi une manière d’éviter de reproduire les erreurs du passé. Celles de la reconstruction sans âme du centre-ville de Beyrouth post guerre civile, autrefois place de commerce bouillonnante, transformée aujourd’hui en quartier fantôme aux boutiques et appartements de luxe, inaccessible à la grande majorité des libanais et qui sont généralement achetés par des habitants issus des pays du Golfe.

 

Au niveau législatif, malgré les actions de nombreux collectifs d’architecture comme CAL, APLH, Nahnoo, la jurisdiction avance lentement et rien ne protège aujourd’hui le patrimoine de Beyrouth ni même ses espaces publiques “Les politiciens n’ont aucun intérêt de faire passer ce genre de lois car elles vont à l’encontre de leurs propres intérêts financiers. Et les enjeux financiers sont tellement importants que même du côté propriétaire certains ne sont pas très proactifs pour protéger leur bien car des millions de dollars leur sont proposés pour détruire leurs maisons.” s’insurge Antoine Atallah.

 

 

En attendant, Beirut Save heritage distribue des posters dans les rues pour avertir les propriétaires de les contacter s’ils reçoivent des offres de promoteurs immobiliers les incitant à vendre leur bien, ou encore de la propagande les forçant à fuir leurs domiciles. En parallèle, les forces collectives internationales ont établi un comité d’experts comme celui de lICOMOS de l’UNESCO, en ce moment en charge d’effectuer un état des lieux des dégâts, dans la perspective de la préservation et conservation du patrimoine libanais, qui concerne plus de 600 bâtiments et est estimée à des centaines de millions de dollars.

 

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