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Société

22.09.2020

Concilier culture orientale et véganisme, mission possible !

Du Maghreb au Moyen-Orient, la viande s’invite sur les tables, évoquant la richesse, l’abondance et l’hospitalité. Lié à certains rites sacrés, cet aliment est aussi un grand incontournable des fêtes religieuses. Alors comment adopter un mode de vie végan lorsque l’on vit dans ces régions ? Comment affirmer ses convictions quand l’entourage ne jure que par les protéines animales ? L’affaire semble compliquée oui, mais pas impossible ! Il semblerait d’ailleurs que la cuisine orientale a bien plus d’affinités qu’on ne le croit avec le véganisme.

Si on remonte le temps, à l’époque précoloniale, on constate par exemple, que le Maroc s’appuyait davantage sur des plats à base de légumes et de semoule. Fedwa Bouzit, journaliste culturelle et auteure de l’article “ Vivre végan au Maroc ” pour la fondation Heinrich Böll Stiftung, précise : “ Pendant longtemps les plats du quotidien étaient végétariens. Mais l’apparition des fast-foods a poussé les familles, notamment de classe moyenne, à consommer beaucoup de viande. Cet aliment est d’ailleurs devenu un marqueur de réussite sociale.” C’est ce que pense également Shehrazad, étudiante en Science Politique et collaboratrice pour Lallab Magazine, plateforme féministe et anti-raciste, qui affirme : “ En Afrique du Nord, ne pas avoir de mouton lors de l’Aïd c’est la honte.”

 

Toutes les deux végan et marocaines, Fedwa Bouzit et Shehrazad nous expliquent leur cheminement. Pourquoi elles sont devenues d’abord végétariennes puis végan, comment elles ont assumé ce mode de vie auprès de leur entourage et quelles sont les grandes figures du végétalisme à les avoir inspiré.

 

Devenir végé : le déclic

Pour les deux jeunes femmes, la prise de conscience est arrivée très tôt. Dès l’âge de cinq ans, Fedwa fait le lien entre l’animal vivant et la viande qui se trouve dans son assiette. “ J’ai vu accidentellement quelque chose que je ne devais pas voir, à savoir le sacrifice du mouton de l’Aïd, précise-t-elle. À partir de là, j’ai refusé de manger de la viande, ce qui a été un drame à la maison.” Shehrazad en revanche, commence à se questionner sur les bancs de l’école, lors d’une étude de cas sur la déforestation en Amazonie. “ L’étude montrait que des pans de forêt étaient rasés pour y installer des élevages. Cela m’a frappé et j’y ai beaucoup réfléchi, en continuant de me documenter sur la question, explique Shehrazad. Quelques jours après avoir fêté mes 15 ans, je devenais végétarienne. Ma famille marocaine et très traditionnelle ne m’a pas prise au sérieux, pensant que c’était une lubie liée à l’adolescence.”

 

Faire son coming-out et l’assumer

Pourtant Fedwa Bouzit et Shehrazad  maintiennent leurs engagements et décident même d’aller plus loin : adopter un mode de vie végan. Comme elle l’explique dans son témoignage “ Mon premier ramadan végan ” pour Lallab Magazine, Shehrazad a choisi un temps fort de la religion musulmane pour intensifier sa position. “ Le ramadan est un moment particulier où l’on cherche à devenir de meilleures personnes. C’est aussi la période idéale pour changer ses habitudes “ affirme-t-elle.

Alors comment rassurer la famille ? Car bien souvent, celle-ci s’inquiète sur les problèmes de santé que pourrait engendrer ce mode de vie. “ Ma grand-mère m’a dit «Tu vas mourir Shehrazad ! » plaisante la jeune femme. L’incompréhension était totale, notamment pour mon père, pour qui un plat sans viande n’est pas un plat. ” Mais le véganisme soulève aussi des critiques d’ordre religieux. “ Certains membres de ma famille critiquent le fait que je ne participe pas à la fête du mouton “ déplore Fedwa. Néanmoins, pour la journaliste, il ne faut pas avoir peur de s’affirmer, mais insiste sur le fait que la communication doit être efficace : “ il faut trouver des références communes, comme le fait que la cuisine marocaine à la base est très vegan friendly.” Même chose pour Shehrazad, qui elle, s’est appuyée sur des personnalités végan influentes pour rassurer ses parents.

 

Monde arabe : les grandes figures végan

Qui sont ces grandes figures ? On peut citer Simohamed Bouhakkaoui, jeune psychothérapeute et activiste végan, fondateur du Vegfest Morocco et de la chaîne Youtube L’Veganism, mais aussi Dalila Awada, antispéciste canadienne d’origine libanaise, sans oublier l’égyptienne Nada Elbarshoumi, fondatrice du blog One Arab Vegan.

 

 

On trouve également de précieuses références dans certains textes plus anciens. Shehrazad, aime partager les paroles du poète syrien Al Maari datant du XIème siècle : “ Je ne volerai plus la Nature […] Viens à moi que tu puisses entendre une saine vérité. Ne mange pas injustement le poisson que la mer a rejeté, et ne désire pas comme nourriture la chair des animaux égorgés…” Contrairement aux idées reçues, en Afrique du nord comme au Moyen-Orient, la sensibilité à la cause animale ne date pas d’hier !

 

Merci à Sherazad et à Fedwa Bouzit pour leur contribution.

 

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Publié le 22 September 2020