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Histoire & Patrimoine

06.03.2023

Du Yémen à l’Europe : la fascinante épopée du café 

Qu’il soit dégusté dans un café animé ou siroté dans le calme de son foyer, le café est un aliment apprécié et indispensable à la vie quotidienne de millions de personnes dans le monde. Mais son essor est le fruit d’une histoire qui mêle routes commerciales, sièges échoués, alliances diplomatiques non conclues, religion et, bien sûr, le monde arabe.

Le Yémen : berceau de la boisson

La fable du breuvage commence il y a 700 ans dans la ville de Mocha, au Yémen. (Et oui! Le nom du café Moka est un dérivé du nom de cette ville.) C’est là que le café a été cultivé et vendu pour la première fois, après que la plante a été introduite dans le sud-est de la péninsule arabique en provenance de la corne de l’Afrique, notamment de l’Éthiopie. Le Yémen est rapidement devenu le pivot du commerce du café pendant des siècles. Les effets sympathomimétiques de cette boisson étant de plus en plus connus, elle est devenue très recherchée au Yémen, alors sous contrôle ottoman.

 

Les commerçants vénitiens et les Turcs ottomans : premiers distributeurs de café

La boisson s’est introduite dans l’Empire ottoman au début du XVIe siècle, sous le règne du sultan Soliman le Magnifique, introduite par Özdemir Pacha, le gouverneur ottoman du Yémen, qui s’était épris de cette boisson lorsqu’il était en poste en Arabie. La cour ottomane a ensuite instauré le poste de cafetier en chef, ou Kahvecibaşı, et est rapidement devenue une boisson appréciée par la classe dirigeante. Elle était considérée comme un breuvage sophistiqué et exotique, et les cafés ont rapidement commencé à proliférer dans tout l’empire. Plus que des endroits où l’on pouvait boire du café, ils étaient aussi des centres d’activité sociale et intellectuelle. Les cafés y étaient connus sous le nom de kahvehane, et ils sont rapidement devenus des lieux de rassemblement populaires pour les personnes de tous horizons. Les kahvehane étaient considérés comme des lieux de socialisation, où les gens pouvaient échapper aux contraintes de leur vie quotidienne et s’engager dans des conversations libres et ouvertes.

La réputation du café en tant que boisson aux vertus médicinales était déjà bien établie lorsqu’il a atteint l’Anatolie. Les médecins louaient sa capacité à faciliter la digestion, tandis que les érudits le trouvaient utile pour rester éveillé pendant les longues heures d’étude. Devenue si prisée par les turcs, cette boisson a fini par susciter l’intérêt des commerçants européens. Les marchands vénitiens ont été parmi les premiers à importer la boisson de l’Anatolie, et à la fin du XVIe siècle, elle était devenue une boisson à la mode en Italie. Toutefois, la boisson n’était pas sans controverse. Le Saint-Siège à Rome la condamne comme étant la “boisson du diable”, et ce n’est que lorsque le pape Clément VIII a donné son approbation que la consommation de café est devenue explicitement licite pour les catholiques européens.

 

Un café à Vienne "“Zu den blauen Flaschen”

Un café à Vienne “Zu den blauen Flaschen”

Le café, entre guerre et diplomatie

En dépit de sa réputation mitigée, les maisons de café ont rapidement fait leur apparition dans toute l’Europe. Le premier café d’Europe a été fondé dans les années 1640 à Venise et, au cours des décennies suivantes, des établissements similaires ont vu le jour sur tout le continent. En France, le café a été introduit par voie diplomatique à la fin du XVIIe siècle par Süleyman Ağa, l’émissaire de la Sublime Porte sous le règne de Mehmed IV. À son arrivée en France en 1669, il a offert plusieurs sacs de grains de café au roi Louis XIV dans l’espoir de nouer une alliance avec les Français. C’était la première fois que le café était introduit à la cour royale et à la haute société françaises.

À l’époque, le café était encore une boisson relativement inconnue en France, mais sa popularité n’a pas tardé à croître. La création du Café de Procope, le premier café à Paris en 1672 a contribué à diffuser la tendance à sa consommation auprès de la population, et les cafés sont rapidement devenus un lieu d’échanges intellectuels et artistiques. Le Café de Procope était d’ailleurs un lieu de rencontre des intellectuels français, tels que Voltaire, Diderot et Jean Le Rond d’Alembert, et constituait ainsi l’un des fers de lance de la révolution française.

L’échec du siège de Vienne par les Turcs en 1683, pendant les guerres de la Sainte Ligue, s’est avéré être un tournant dans l’histoire de la boisson. En se retirant de la capitale autrichienne, l’armée ottomane a laissé derrière elle des sacs de grains de café. Un diplomate et espion polonais du nom de Jerzy Franciszek Kulczycki s’est procuré les grains et a ensuite ouvert l’un des premiers cafés de Vienne. La légende raconte que Kulczycki a ensuite pris la décision d’ajouter du lait au café, et le cappuccino moderne était né. Le nom de la boisson est inspiré des robes brunes portées par les moines capucins, appelés Kapuziner en allemand.

 

erzy Franciszek Kulczycki

Jerzy Franciszek Kulczycki

La popularité du café ne cessant de croître, la demande de grains de café a rapidement dépassé la capacité de l’Éthiopie à les fournir via le Yémen, ce qui a incité les puissances européennes à commencer à exploiter des plantations de café dans leurs colonies, souvent exploitées par des esclaves. Au milieu du XIXe siècle, le Brésil, ancienne colonie portugaise, était devenu le plus grand exportateur de café au monde, et la boisson s’était fermement établie comme une marchandise internationale.

 

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Publié le 6 March 2023

#Yémen